J'avais pour elle des sentiments
adolescents de longue date,
mais il avait fallu attendre
des circonstances favorables
pour se retrouver là : seuls,
une nuit d'automne dans la maison
de ses parents dont le salon donnait
en grande baie vitrée sur le lac Léman
qui scintillait en contrebas
de lueurs côtières orangées.

Nous buvions une petite absinthe,
assis côte à côte sur de hauts tabourets,
plongés dans une intime obscurité,
quand elle a proposé de la musique.

J'ai choisi à son invitation
un CD que je ne connaissais pas
et m'apprêtais à revenir auprès d'elle
lorsqu'a commencé, au piano,
un tapotement subtil et mesuré
suivi bientôt des cordes d'un orchestre,
du thème répété s'élevant glorieux
et tendre puis relancé
par un second plus dansant
et à nouveau une céleste apothéose
avant le retour du piano,
ses trilles et cadences
et son dialogue avec lui-même autant
qu'avec l'orchestre et tous ses éléments,
cadre naturel et sublime,
montagnes, forêts et torrents où chante
en tremblant un poète d'ébène et d'ivoire.

J'ai ainsi découvert chez Fanny
le 4e concerto pour piano de Beethoven
et ce fut le début d'une longue histoire
d'amour avec l'un d'entre eux,
puisque s'agissant d'une première fois,
je ne pouvais pas bien sûr embrasser les deux.

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