Lorsque c'est la première fois
qu'en arrivant dans un pays voisin, on prétend,
de peur qu'on ne nous tue pour la prendre,
que notre femme est notre sœur,

et qu'on retire de sa relation
avec le roi du pays en question
de grandes richesses qu'on remmène
chez nous, ainsi que notre femme,
sitôt la vérité dextrement révélée,

on peut arguer de sa bonne foi, d'une peur sincère,
d'une décision prise sous l'effet d'un instinct de survie
raisonnable, et les profits subséquents ne seraient qu'accident,
pragmatisme, hasards de l'existence nomade.

Lorsque c'est la deuxième fois,
dans un autre pays voisin, qu'on prétend
la même chose, la méthode interroge
et de pesants soupçons naîtraient sans doute
si ces deux rois se connaissaient ;

mais l'on peut toujours, à la rigueur,
plaider que dans une situation identique,
malheureusement fondée sur un risque réel,
il n'est pas sot d'employer un stratagème éprouvé,

ni d'accepter d'en retirer encore une fois profit,
puisque les rois, apparemment, préfèrent
payer un frère que le tuer, ayant le choix
que ne saurait leur offrir un mari.

Lorsqu'après votre mort, dans le second pays voisin,
c'est votre fils qui fait la même chose avec sa femme

(qui comme la vôtre est belle
au point de séduire aussitôt
le roi de tout pays où vous arrivez,
mettant votre vie de mari en danger
et, par ailleurs, stérile),

là, il y a, je crois,
lieu d'ouvrir une enquête.

(Genèse, chapitres 12, 20 et 26)

Partager ce texte