En écrivant à la main, on est contraint
de prendre le temps de tracer
les lettres entrelacées
sur des lignes de longueur variable,
où le stylo se meut plus lentement que l'œil

et que l'auriculaire droit sur la touche "Entrée".
Cela donne un rythme à la pensée qui se pose
pour attendre sur une branche de l'iris
et repart quand on l'appelle, reposée,
pour un envol chaque fois nouveau.

Tandis que sur le clavier de l'ordinateur,
toutes les lettres sont carrées, et je peux,
pour avoir étudié un peu le piano,
les enchaîner comme un Beethoven ivre
ou un Liszt cherchant à coucher

avec une princesse allemande.
Ce qui est parfois plaisant, d'autrefois
moins adapté aux circonstances,
comme lorsqu'on doit écrire un poème
ou qu'on a déjà beaucoup festoyé la veille.

Alors faire semblant de ne pas
avoir cet outil-là
pourtant logé entre mes jambes,
et s'imaginer vagabondant, libre
et solitaire par des forêts blanchâtres

et aplaties, giclant de l'encre noire
au gré d'une avance mesurée,
pudique et presque timide
face au vaste fuseau de l'horizon,
permet de s'entendre chanter

une dernière fois avant la Loreley.

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