De retour en France, je trouve à nouveau
les inégalités de richesse excessives
et, humainement, de mauvais goût :
il n'y a pas de différence intrinsèque
entre des gens tous passés par l'école,
pourvus d'un logement rattaché à des services publics,
ayant bénéficié de nourriture et de soins médicaux.
À quelques exceptions près, qui relèvent de l'exclusion,
chacun connaît les mêmes paramètres d'existence
et c'est ensuite une question de répartition :
là, si l'on peut reconnaître des disparités
de réussite, de talent, de chance, de parentèle,
il semblerait décent de penser collectif
et de privilégier une satisfaction commune
à des écarts d'ampleur vertigineuse, et surtout
à un sentiment de supériorité de classe
obsolète dans une démocratie sociale
d'un pays riche.

En Inde, la misère n'est pas l'exception.
Chaque génération est confrontée d'abord,
avant d'avoir le choix de ses options politiques,
à une réalité massivement collective
et intégrée socialement : celle de groupes établis,
aux conditions de vie radicalement différentes
impliquant des coutumes et usages spécifiques
et une identité inscrite dans une tradition.
Ceux-ci allant d'un extrême à l'autre,
du plus pauvre au plus riche
qu'on puisse imaginer des êtres humains.
Alors changer, sur la base de valeurs
de simple humanité ou de progressisme réfléchi,
cela semble impossible à court terme
sans recourir à la dictature (celle du philosophe
idéaliste allemand, ou une autre) et plus
ou moins intentionnellement, aux massacres
et famines qui seuls permettent de transformer
rapidement un corps social. Sinon,
il faut envisager une évolution lente
et pendant ce temps, ne pas en perdre la motivation
– mais aussi accepter, plus ou moins de force,
les différentes classes existantes,
reconnaître à chacun sa dignité dans son altérité
fonctionnelle et culturelle prédéfinie.

Demeure la question des rapports
entre ces deux mondes lointains,
mais dont la pauvreté de l'un
n'est pas étrangère
à la richesse de l'autre (et vice-versa)
du fait des siècles passés :
est-il possible de concevoir à présent
une communauté tout aussi globale
que le fut la conquête ?
Peut-on franchir les mers pour partager
ses ressources et son destin
plutôt que son Dieu et son épée ?
Peut-on compter d'être reçus dans le même esprit ?
Au-delà de parcours individuels,
tout dépend de la manière
dont se définissent les grands groupes
qui interagissent à cette échelle
et là aussi la pratique passée pèse lourd
et remonte loin, et il faudrait
pour cela vraiment du nouveau.

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