Je me souviens avoir déjà
écris ce poème une fois, mais où
hormis en Belgique je ne sais
pas, aussi :

il fut un soir où je rentrai
en galante compagnie chez moi
dans le 2-pièces où mes parents
m'hébergeaient, dans le 5è
arr. de Paris et ses poutres
et ses tomettes sous nos pieds nus,

et j'avais des livres de Cioran
troués à la perceuse et pendus
à une ficelle traversant le salon,
et deux épées plantées dans les poutres
et une rose rouge au pommeau ;

romantique, donc, et elle
devait m'aimer assez pour venir chez moi
après avoir partagé une pizza
et du mauvais vin rouge aux Halles
et quelques mots sans doutes,

et dans la chambre je lui montrais
mes albums de Corto Maltese
lorsque tout à coup, puceau,
je ne sais pas s'il faut le dire,
j'ai senti alors que nos visage
s'approchaient naturellement
une proximité, la possibilité
peut-être de l'embrasser, et là :

une vision : mes mains
soudain à l'intérieur de ses poumons
verts d'absinthe gelée -
je répète : non sur ses seins
mais dans ses poumons dont je voyais
l'arborescence d'un vert blafard
et mes mains dedans,
doigts écartés, saisissant -

ah, point de baiser !
pas de mot non plus qui puisse
rattraper un tel silence,
quand l'on se penche l'un vers l'autre
et qu'on se fige gêné, sidéré
par l'ampleur du désir et sa forme
inavouable et pittoresque
et vivace, et déjà triste.

Alors les au revoir polis
préfigurent tant de fuites qu'aucun
rendez-vous au bocal ou à la grille
ursine n'est possible.

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