Je l'aimais bien, ce professeur :
ses idées s'intégraient dans les miennes
et même quelque temps m'ont paru indiquer
une nouvelle voie s'approchant davantage
de l'horizon que j'espérais atteindre.
Mais nous parlions : rémunéré
par une institution, il me recevait
dans son bureau pour m'écouter présenter ses idées
en lien avec d'autres livres (c'est à cela
que servent les étudiants :
on ne peut pas tout lire soi-même)
et retraçant sous sa direction bienveillante
les pas de son immense carrière,
je parvenais tous les mercredis à la même question.
Patient, il me réexpliquait
les termes et la structure de sa position.
Impatient, je continuais de l'interroger
sur cet élément plus lointain mais nécessaire
à mes yeux à soutenir l'ensemble,
qu'il refusait, avec moi, de considérer.
Je ne sais plus combien de semaines identiques
il nous a fallu à l'un et à l'autre pour comprendre
(les intellectuels ne s'adaptent pas rapidement
aux modifications de leur environnement)
que notre amitié naissante se terminait déjà,
mais c'est là qu'il m'a invité à dîner chez lui
et demandé de lui ouvrir, au dessert,
tout en baisant sa femme mes propres profondeurs.
J'ai hésité, car elle
avait servi bien chaude une tarte à la cerise
sur laquelle fondait la glace à la vanille.