Je n'ai jamais été très important
au sein des cercles de votre vie,
mais parmi les choses non importantes,
j'en étais une particulière
qui valait la peine de rester liés,
tant que ça ne vous coûtait pas trop cher
en termes affectifs.

C'est à l'époque où vous rêviez d'être clown
que vous me reconnûtes, presque semblable,
compréhensible davantage que nos congénères
de lycée, moi qui lisais les classiques
dans les couloirs pendant les pauses
et paressais au dernier rang des heures
prescrites et maussades et majoritaires.

Puis à l'époque où vous fûtes femme battue,
même pas mariée mais malmenée
par celui qui me remplaçait (je suppose,
en toute objectivité), ayant échoué
à vous rejoindre face aux flammes
avant de tirer à grands traits
sur la glace un excellent sillage,

je vous envoyais de mon exil des amis,
des livres que vous jugiez horribles,
des épîtres juridiques, puis thérapeutiques,
enfin, des preuves de vie, quoi (la vôtre),
persistant à vouloir vous persuader
de la poursuivre convalescente et puis,
dorénavant, solide comme un if.

Et lorsqu'en fleur vous découvrîtes
les joies de la normalité, trompant
votre mari avec ardeur et indifférence,
élevant des enfants merveilleux,
j'ai continué de vous écrire des poèmes
en souvenir des instants de passage
où je vous aime comme à quinze ans,

et vous me répondiez occasionnellement
jusqu'à l'année dernière, sous le pommier,
quand j'ai fini par demander, ivre d'espoir
et d'affection mûrie longtemps, mais ou-
trepassant, paraît-il avec le recul,
pourtant l'orée de votre tolérance,
si je pouvais vous tutoyer.

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