« Tu es la réincarnation de Vénus »,
dit le jeune homme indien à la bergère
gréco-romaine qu'il espérait séduire,
ce par quoi il entendait sans doute
(je le devine seulement à ce que je lui crois
à moi de commun) : si je t'aimais,
là, maintenant, sur cet herbage
irisé de rosée matinale et tiède,
entre les éventails d'écume que projette
de part et d'autre la mer puissante
venant frapper les falaises blanchâtres
dont les abîmes nous sont écrin,
si tu me prenais là dans ton ventre de femme
gracile et frémissante et inconnue de moi,
si j'y tremblais jusqu'à notre extase commune,
tu serais autant que quelconque présence
ayant jamais habité la terre ou les cieux,
la forme absolue de l'amour.
Et plutôt que de crier au blasphème
à cette idée que le divin serait présentable
à tout moment dans notre quotidien
et que les noms et personnalités diverses
que nous lui donnons depuis des âges
ne sont que des manières de nous y retrouver,
plutôt que d'appeler à l'aide à grand cri
les mâles vestales de nos aïeux inscrits
sur des tables d'opale préservées
au sein d'immenses monuments
dont les marchands et les soldats contrôlent
par privilège héréditaire l'entrée,
plutôt que de pointer d'un doigt vainqueur
celui-là qu'il fallait brûler au nom de la Vénus
définie comme une unique et révolue
absence, il aurait mieux valu,
du moins je le crois nous concernant,
qu'ils baisassent un bon coup ce matin.