Je sais bien que ça peut choquer,
cette apparente indifférence à la misère
et l'insistance sur l'égalité de "l'âme"
en chacun quel que soit son statut.

C'est contraire aux idées de la gauche,
qui sont les meilleures selon les professeurs,
ainsi qu'aux sentiments des riches,
qui sont les plus importants comme chacun sait.

(Mais...)

Mais je me demande si l'histoire de la gauche
en Europe, des Lumières au communisme,
ne s'est pas construite sur la richesse
provenant de l'exploitation du monde

et si finalement la revendication
de droits fondamentaux à l'humanité
n'était que la conquête d'un partage
européen des fruits du pillage,

et si le sens profond de la Révolution c'était :
"on n'est pas des Nègres et on mérite mieux" ?
Ce qui du point de vue des Nègres est peu convaincant
comme vision universelle du progrès.

(Mais encore...)

Mais je me demande si ce n'est pas
plutôt que de pitié un sentiment d'horreur
qui pousse les riches à rejeter
comme étant défaillante la réalité
de l'humanité qui vit dans la boue.

Or ce n'est pas une différence de nature -
car tout le monde se chie dessus
au début et à la fin, et fait avec
les limites imposées par la naissance
et croît dans la mesure où il croit le pouvoir -

mais de quantité, en termes de confort,
de nombre d'années de vie,
de monnaies et d'échanges divers,
et puis de proximité à la mort,
qu'on préfère quand on peut se cacher.

L'horreur ainsi qui maintient à distance
est une bonne manière de se protéger,
de ne pas avoir à payer de sa personne
ni à considérer vraiment ce qui peut être fait
et, somme toute, le contraire de la fraternité.

(Ceci dit...)

Ceci dit, une amie qui passait par là
en taxi pour la première fois
voulut sortir et les rejoindre,
ces habitants des bidonvilles
dont elle découvrait le panorama.

Passer la nuit avec eux,
c'était une nécessité
pour elle, et si nous l'avions
laissée faire, elle aurait sans doute
découvert la vérité ?

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