Savez-vous ce que c'est qu'un poème ?
C'est la question que ma psy me propose
d'utiliser plutôt que de me déclarer poète,
ce qui met la plupart des gens mal à l'aise.

Oui, des phrases coupées qui riment
qu'on nous obligeait d'apprendre à l'école,
ou bien ceux de Prévert qui sont jolis.

Pour les gens cultivés : c'est mort,
la poésie de l'époque bourgeoise,
par contre j'adôre le slam.

Savez-vous ce que c'est qu'un dessin ?
Et peut-on être dessinateur sinon
de presse ou technique ? Pour enfants,
c'est illustrateur, pour adultes
il faut passer à la peinture comme
dans l'écriture au roman, les deux
présentant de plus riches textures
en plus du dessin et du poème
qui en sont des sortes de prérequis,
d'étapes d'apprentissage sans gloire.

J'ai déjà décrit le poème
comme une danse de la pensée
et si le roman est un monument,
un danseur peut-il devenir architecte ?
(sans pour autant cesser d'être danseur)

Et quel est ce fou qui prétend
lorsqu'il danse porter sur son dos
des châteaux que personne ne voit ?

Je me souviens de la maison dansante,
à Prague, et de ses bureaux vides
perpétuellement à louer.

Tout le monde écrit des poèmes
quand on est amoureux, ou bien
quand c'est la guerre :
on a besoin d'un remontant,
de redéfinir une identité qui vacille,
personnelle ou collective.

Écrire des poèmes pour changer le monde
en renouvelant les noms qu'on lui donne
— nouvel Adam, avant la chute.

Écrire des poèmes pour rester vivant,
pour ne pas répéter des formules apprises
qui sont des cimetières pour l'esprit.

Écrire des poèmes pour ne pas que l'écrit
ne soit que loi et contrat et domination ;
pour se souvenir des joies du langage
lorsqu'il se meut en nous et pas au-dehors.

Écrire des poèmes pour ne pas
que tout soit écrit déjà.

Savez-vous ce que c'est qu'un poème ?
Ou souhaitez-vous que je vous en parle.

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