Ce matin, choisissant mes chaussettes,
j'ai reposé la première candidate
dont la paire n'était pas encore sèche
(je prends mes vêtements sur l'étendoir
plutôt que dans le placard, c'est plus efficace)
et me suis surpris à m'inquiéter
de ce qu'elle soit déçue, peut-être,
ayant pu croire que c'était son tour
de servir sa fonction à mes pieds,
puis se faisant finalement reléguer.
D'où vient donc cette attention à l'autre
si générale qu'elle s'applique
sans discrimination à tout objet possible ?
Est-ce ainsi que constatant
le bénéfice pour notre espèce
d'une compréhension accrue du point de vue
des autres membres de notre groupe,
de leur regard sur nous qui définit
notre statut et notre appartenance
à cette dynamique collective
dont dépendent notre épanouissement
et même en dernier lieu notre survie,
les humains avons imaginé une âme,
c'est-à-dire une personnalité, à tous
les objets et phénomènes naturels
qui nous entouraient ?
Il est vrai qu'en attribuant
à ma bouteille d'eau, à ce livre,
à la tasse de thé ainsi que si j'osais
à mon téléphone portable (démon
dont la puissance m'intimide),
une sensibilité autonome chacun
avec laquelle je puisse dialoguer,
je me sens plus heureux et moins seul.