Si j'assemble des lettres sur un écran
pour qu'apparaissent des lettres sur un écran
ailleurs, loin et au besoin, partout à la fois
où il y a écran, pour qu'apparaissent dans un humain
des émotions et des images, des idées
dans la mesure où elles sont émotions et images
et la musique des mots qui ruisselle des cieux
dans la coupe de ton esprit,
sans qu'il y ait entre les lettres
et les autres lettres qu'elles font paraître
le moindre lien de valeur ou de sens
hormis la fonction d'exister sur écran
dans un certain agencement graphique,
plutôt que dans mon cahier
ou sur des pages imprimées
par des machines dotées d'écran,
il y a peut-être un problème et j'irais,
je crois, plus vite en écrivant
des lettres manuscrites à tous mes abonnés
s'il ne fallait paraître, à chaque époque,
ou dans le marbre ou le buisson ardent
ou sur les feuilles à dorures ou l'embryon de veau :
la mode change, toujours demeure la vanité
de ressembler à l'objet du délit.